Première
Maison mère - Couvent Notre-Dame de Lourdes - 1877 - 1911
À l'Hospice Saint-Antoine, le nombre des
ouvrières croissait peu à peu, et les travaux
augmentaient de nouveau; il fallait songer à trouver un local
plus vaste. C'est devant cette
nécessité que fut décidé l'achat d'un
terrain pour y bâtir une maison pouvant habiter plus d'une
trentaine de religieuses.
La
construction de la Chapelle Notre-Dame de Lourdes éveille chez
le vénéré Père Tambareau, la pensée
de pourvoir l'Institut d'un couvent qui serait attenant à ladite
chapelle, et de laquelle la Communauté
bénéficierait. La Vierge de Lourdes qui ne s'était
manifestée à la petite Bernadette que trois ans avant la
fondation, exerçait déjà une véritable
attraction chez les protégés de son chaste Epoux, le bon
saint Joseph.
C'était
donc un beau projet que le digne Père Supérieur
entretenait, et que secondaient ses filles spirituelles. Aussi,
grâce à leur vie simple et frugale, avait-on réussi
à accumuler la somme assez intéressante de 48,000$. Il
sera
donc question de la transaction du terrain qui est conclue le 7 mars
1873... Qu'on le remarque, c'est toujours durant le mois qui lui est
consacré que saint Joseph assure une nouvelle demeure à
ses enfants. Ce terrain s'étend de la Chapelle à la rue
Dorchester, aujourd'hui boul.
René-Lévesque.
À
l'automne 1874, on jette les fondations du Couvent; il est
décidé que deux étages seraient destinés
à recevoir des Dames pensionnaires et que tous les revenus de la
pension, comme aussi ceux des loyers de la Maison de la rue Labelle,
serviraient
à éteindre la dette encourue pour la construction qui
représentait la somme considérable pour l'époque
de 85,000$. La maison n'est terminée qu'en 1877; du moins tout
est prêt pour le déménagement de l'Hospice
Saint-Antoine au Couvent Notre-Dame
de Lourdes pour le début de cette année. Comme
prévu, les deux étages sont aménagés pour
la pension des Dames; celles-ci se présentent nombreuses :
toutes recherchent l'honneur d'habiter, pour ainsi dire, sous le
même toit que la Vierge de Lourdes. La
nouvelle demeure avait belle apparence dans sa simplicité.
Avant de
laisser l'Hospice Saint-Antoine, les Soeurs ont voulu donner un nouveau
cachet à leur vie consacrée en revêtant un costume
religieux, ce qui donnerait un sens d'authentique consécration
à Dieu. Néanmoins, c'est avec regret qu'elles
quittent cette demeure où elles ont passé des jours si
solitaires et si tranquilles pendant douze ans. C'est ici que tant de
fois le bon et regretté Père Mercier venait dire la messe
dans ce petit sanctuaire, ce qui rappelle aux Soeurs ses salutaires
avis. Enfin, pas un lieu qui
ne leur fait revivre son souvenir; puis, il faut le dire, c'est ici
qu'elles l'ont vu disparaître.
La
chapelle, principalement, était chère aux Soeurs... Au
moment de s'en éloigner, elles se sont réunies une
dernière fois afin de remercier le Seigneur des grandes
grâces reçues ; puis, elles se sont acheminées vers
leur nouveau
domicile.
Bénédiction
du Couvent Notre-Dame de Lourdes
Arrivées
au Couvent Notre-Dame de Lourdes, les Soeurs s'occupent des
préparatifs de la bénédiction de la maison qui
doit avoir lieu le dimanche suivant, 22 avril 1877, jour de la
fête du Patronage de Saint Joseph; on s'y prépare avec
ferveur. Elle
est présidée par M. Sentenne, p.s.s., curé de
Saint-Jacques, assisté de quelques confrères. Le bon
Père Tambareau, présent à cette imposante
cérémonie, est heureux de l'événement, lui
qui avait fait valoir aux religieuses
les avantages qu'elles auraient en se fixant près de la chapelle
de Lourdes. Avec dévotion et dans une sainte allégresse,
les Soeurs suivent les prêtres qui parcourent la maison en tout
sens. C'est bien là la maison du Seigneur et la demeure du
Très-Haut ! Il y
habitera entouré des trente-trois membres qui composent alors la
Communauté.
Dans
leur nouvelle résidence située presque sous le même
toit que la sainte Vierge, les Soeurs commencent une existence toute de
confiance à l'ombre de son sanctuaire, se reposant sur elle pour
l'avenir de la Communauté, persuadées que personne
n'osera leur nuire. On leur donnait parfois le nom de « Petites
Soeurs de Lourdes », ce qui ne leur déplaisait nullement.
Noviciat
Peu de
temps après leur arrivée, le 29 juin 1877, s'ouvre le
noviciat plus régulier avec six postulantes. Il est
confié à Soeur Marie Catherine qui possède les
vertus et les qualités nécessaires à une
maîtresse de
formation. Elle a acquis, sous la direction des fondateurs, l'esprit
qui doit animer la Communauté. Confiante en Dieu, la bonne
Maîtresse se met à l'oeuvre avec ardeur. A chacune, elle
sait donner le conseil opportun, dire le mot d'encouragement qui
relève et soutient. Elle engage
ces jeunes à accepter de bon coeur, en les offrant à Dieu
pour la sanctification du clergé, les nombreuses privations, les
fatigues, les humiliations auxquelles elles peuvent être
soumises. En un mot, elle essaie de les préparer à
devenir de bonnes religieuses.
La
Communauté continue ses oeuvres en conformité avec le but
assigné dès la fondation. Ainsi, il y a le blanchissage
du linge de sacristie, la confection des habits d'évêques
et de prêtres et celle des vêtements liturgiques. On assume
également la charge des sacristies de la chapelle Notre-Dame de
Lourdes et de l'église Saint-Jacques. On y vivait dans
l'entrain, la gaieté et la bonne entente, malgré les
angoisses qu'elles traversent à différentes
époques, car elles n'ont pas encore
prononcé de voeux de religion, ce qu'elles désirent
cependant depuis longtemps. Elles ne sont pas à l'abri des
ennuis venus de l'extérieur menaçant l'existence de la
Communauté. M. Tambareau, voyant les nuages s'amonceler, venait
de temps à autre ranimer la
confiance de ses religieuses.
Décès de Monsieur Tambareau,
p.s.s.
En
février 1892, M. Tambareau leur donne son dernier entretien, et
le 7 avril suivant, il décède après avoir
béni les religieuses et les avoir recommandées à
saint Joseph. Cette mort ressemblait à une catastrophe pour la
Communauté. Qu'allaient devenir les religieuses sans celui qui
les avait sans cesse soutenues pendant trente-cinq ans ? De partout, on
encourage les Petites Filles dans leur dure épreuve. Tout cela
ne parvenait pas à dissiper les appréhensions devant un
avenir incertain. Quelle
était l'attitude de Mgr Fabre envers cette Communauté de
« filles séculières » en costume religieux ?
Les religieuses ne faisaient certes pas de peine à
l'évêque, mais elles avaient plus que la sensation d'en
être peu considérées.
Approbation
de l'Institut
Après
le décès de Monseigneur Fabre, le calme revient dans la
communauté. Pendant la vacance du siège qui dura six
mois, les religieuses deviennent perplexes. Que ferait le nouvel
archevêque ? C'est à ce moment que Dieu, après
avoir
purifié cette petite communauté pour la faire progresser,
allait ménager aux religieuses une des plus grandes joies de
leur histoire.
Monseigneur
Paul Bruchési, élu archevêque de Montréal,
le 25 juin 1897, faisait sa première visite chez les Petites
Filles, le 20 septembre suivant. Il célèbre la messe
suivie d'une réception à la salle de communauté.
Le
Père Supérieur, M. Colin, p.s.s., avec sa remarquable
éloquence, souhaite la bienvenue, retrace les quarante ans
d'histoire de la petite Communauté. Ce fut un chaleureux
plaidoyer pour les Soeurs qui écoutaient dans une sorte de
ravissement. La réponse de
Monseigneur ne tarde pas à venir; en voici quelques extraits :
« ... Je suis heureux et fier de me trouver au milieu de vous, ce
matin. Depuis longtemps, je savais votre existence, mais pour ce qui se
faisait dans l'intérieur de votre Communauté, je
l'ignorais complètement. Plus
tard, des prêtres connaissant à fond votre manière
de vivre, m'ont dit votre but, votre Oeuvre... Vous travaillez pour le
clergé. Si notre Seigneur dit qu'il tient comme fait à
Lui-même, ce que nous faisons pour le plus petit des siens,
combien à plus forte
raison, en sera-t-il pour ce qui est fait à ses ministres,
à d'autres Lui-même. Je ne connais pas d'Oeuvres plus
sublimes dans l'Église. Le Prêtre est un autre
Lui-même, et vous êtes appelées à travailler
pour Lui; vous avez eu vos épreuves,
vos peines, vous avez souffert... Depuis que je suis Evêque, on
m'a adressé des suppliques en votre faveur... Je n'ai pas
oublié ces requêtes, et je suis heureux d'y
répondre: Je vous reçois. Je vous adopte comme mes filles
et mes enfants. Je vous reçois, quand
même j'aurais reçu des suppliques contre... »
(Applaudissements des Pères, larmes des religieuses...
Monseigneur a de la peine à continuer)... « Maintenant,
vous m'appartenez, et je vous appartiens; vous êtes les
premières que j'adopte. Soyez toujours les Petites
Filles de Saint-Joseph et les bonnes filles de votre archevêque
».
Inutile
de décrire la joie délirante qui s'empare de la
communauté, après le départ de l'archevêque.
Les Messieurs de Saint-Sulpice présents ne leur ménagent
pas leur enthousiasme devant cette splendide victoire d'une oeuvre de
Dieu.
Dans les
années qui suivent, des jours très heureux se
présentent. Le 20 mars 1899, arrive le jour depuis si longtemps
attendu. Sous la présidence de Monseigneur Bruchési, les
trente-six Petites Filles de Saint-Joseph prononcent leurs voeux de
religion.
C'était la première profession religieuse. Quel jour de
gloire ! Quelle reconnaissance à leur archevêque et
à Saint-Sulpice !
Cinq ans
plus tard, le 19 mars 1904, fête de saint Joseph, c'est avec des
transports de joie qu'on salue cette année qui verra, heureuse
coïncidence, la profession perpétuelle en ce temps de
grâce particulièrement glorieux pour la Vierge de Lourdes:
c'est le 50e anniversaire du dogme de l'Immaculée-Conception. La
cérémonie se déroule dans la chapelle Notre-Dame
de Lourdes; elle est présidée par Monseigneur
Bruchési entouré d'un nombreux clergé. Le sermon
de circonstance est prononcé
par Monseigneur Alfred Archambault qui, dans l'estime et la sympathie
qu'il a pour l'humble famille religieuse, trouve les expressions les
plus heureuses, faisant ressortir l'Oeuvre sublime de la
Communauté tout orientée vers le Sacerdoce du Christ.
Qu'y a-t-il en effet de plus grand que le
Prêtre? Les épouses de notre Seigneur,
définitivement engagées à son service, sont
remplies de bonheur. C'est dans l'action de grâces que se termine
cette inoubliable journée.
50e
de la fondation de la Communauté
Le 25
avril 1907, à la chapelle de Lourdes, la communauté
célèbre son jubilé d'or dans une véritable
apothéose. La jolie chapelle a revêtu sa parure des grands
jours. Toutes les Communautés religieuses de la ville sont
représentées. Monseigneur Bruchési
célèbre pontificalement. Les étudiants du Grand
Séminaire sont présents ; ils y exécutent le chant
sous l'experte direction de M. Garrouteight, p.s.s. De son trône,
Monseigneur l'archevêque, avant
la bénédiction finale de la messe, fait une allocution
remarquable. Il remercie les religieuses au nom de l'Eglise; il
remercie les Messieurs de Saint-Sulpice de les avoir fondées et
consolées; il remercie les séminaristes présents
et rappelle à ceux-ci le
devoir de la reconnaissance envers ces petites religieuses à qui
ils doivent tant. Pour terminer, Monseigneur lit un câblogramme
du Cardinal Merry del Val qui apporte la bénédiction du
pape Pie X. Le grain de sénevé jadis planté en
terre, avec cette
bénédiction, deviendra un grand arbre. La
Communauté des Petites Filles de Saint-Joseph allait
s'épanouir.
L'apothéose
du cinquantième anniversaire de fondation de la
Congrégation marque les débuts d'un véritable
rayonnement. C'est de cette date, 1907, que l'arbre devenu vigoureux,
étendra ses bienfaisants rameaux. C'est d'abord dans les maisons
sulpiciennes de Montréal que les membres de la petite
Communauté seront appelés à déployer leur
dévouement.
Quelques
jours après ces fêtes, le 7 mai 1907, Saint-Sulpice
prenait l'importante décision de faire venir des religieuses au
Séminaire Notre-Dame. N'est-ce pas à Notre-Dame que M.
Mercier avait jadis jeté en terre le grain de
sénevé?
Aussi, les religieuses acceptent cette fondation à
l'unanimité. Elles prennent la responsabilité du
réfectoire, de la cuisine et de la lingerie du Séminaire
Saint-Sulpice attenant à l'église Notre-Dame.
On
devait être satisfait à Saint-Sulpice, car en
décembre 1909, les religieuses apprennent par Monseigneur
Bruchési que le supérieur du Grand Séminaire
allait leur demander de prendre la charge de la cuisine et des
réfectoires en
remplacement du groupe d'employés qui assumaient ces
tâches depuis la fondation du Grand Séminaire. Depuis
longtemps déjà, les religieuses s'occupent de la
lingerie, mais consentir à la tâche de faire la cuisine
pour 350 personnes exige de la réflexion.
Après prières et délibérations, la demande
est acceptée; les soeurs durent alors se spécialiser dans
l'art culinaire. Dès le début de septembre 1910, elles se
mettent au travail avec joie et dévouement.