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Hommage à une Petite Fille de Saint-Joseph - Soeur Marie-Ange Fournier

Notice biographique de Soeur Marie-Ange Fournier

 

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Hommage !
à une Petite Fille de Saint-Joseph

Soeur Marie-Ange Fournier, notre mère!
par sa fille, Madame Mireille Fournier

"Ma vie s'est déroulée normalement, parce que Dieu en a tenu le rouleau et que moi, j'ai essayé de ne pas en mêler les fils: fil blanc de mon enfance, fil bleu de mes rêves, fil rose de mes jours heureux, fil noir de mes deuils, fil mauve de ma vieillesse. Cette vie, chers enfants, s'est donc brodée au jour le jour, sur un canevas remis entre mes mains dès mon premier jour!"

Voilà en quels termes notre mère s'adressait à nous dans une biographie écrite de sa main dans les années 1970. Ce souci d'obéissance, de soumission et de confiance absolue en un Dieu familier, en même temps qu'à un code d'éthique spirituel encadré dans les normes d'une religion catholique traditionnelle, a façonné et guidé d'abord Marie-Ange Savard, ensuite Madame Roland Fournier, puis soeur Marie de la Trinité, et aujourd'hui soeur Marie-Ange Fournier.

Grande-Vallée, village typique du nord de la Gaspésie, vit naître, le 3 novembre 1903, la petite Marie-Ange. Elle était l'aînée d'une famille de trois enfants dont une soeur, Gertrude, et un petit garçon mort à la naissance, mais qui sera remplacé plus tard par Pierre-Paul, le dernier-né d'une voisine mourante. Notre grand-mère, Delphine Caron, 18e d'une famille de 20 enfants, était native de Grande-Vallée. Albert Savard, notre grand-père, avait longtemps vécu à Coaticook, mais était natif des Escoumins, dans le comté de Charlevoix.

Pour la " petite histoire ", je vous dirai que Grande-Vallée a commencé d'une manière peu commune. Chaque année , de mai à novembre, des pêcheurs venant de Montmagny à Saint-Jean-Port-Joli se dirigeaient vers une anse choisie au nord de la Gaspésie. Ils arrivaient sur leur bateau de pêche avec leurs gréements, leur famille et de la nourriture pour cinq mois, comptant aussi sur le poisson pêché pendant l'été. Mais en 1842, la famille d'Alexis Caron ayant plié bagage les derniers, fut prise dans l'une de ces redoutables tempêtes d'automne dans laquelle leur bateau fut brisé et une part de leur biens perdus. Sans aucun espoir de secours, ils durent s'installer dans un abri précaire et faire face stoïquement à ce long, glacial et angoissant hiver. Ils étaient cinq: le couple Caron et leurs trois enfants. Ils survécurent! Les Fournier, arrivant au printemps et retrouvant leurs amis affamés, amaigris, mais vivants, décidèrent de s'installer définitivement dans cette anse, lui préférant son isolement aux risques répétés de ces voyages périlleux. Nos ancêtres étaient nés!

À 13 ans, Marie-Ange remarque Roland, fils d'Arthur et de Démerise Labrecque, le 8e d'une famille de 15 enfants. À 15 ans, elle l'aime pour de bon. À partir de ce moment, la ligne de vie de notre mère est double. Ils sont tous deux natifs du même village, ils ont les mêmes ancêtres, les mêmes coutumes et les mêmes rêves. Ils aiment la mer, le vent qui charrie de bonnes odeurs, la neige qui craque sous les pas. Ils s'aiment! Autour d'eux, on se marie jeune, on se bâtit une petite maison et on reste sur place. Mais Marie-Ange et Roland sont plus ambitieux! En 1916, Marie-Ange part pour le couvent de Cap-Chat étudier chez les " Filles de Jésus ". Roland commence un cours commercial à Montréal, au Collège Saint-Laurent , où son futur célèbre cousin , Esdras Minville, déjà un ancien étudiant, l'attend. Mais la mort presque subite de son père oblige Marie-Ange à laisser son rêve de longues études. Une double tragédie! Elle obtiendra un certificat d'enseignement et deviendra, l'année suivante, l'institutrice de son village. Alors, une longue correspondance s'amorce entre les deux amoureux. Elle durera dix ans et gratifiera Marie-Ange d'une remarquable plume d'épistolière.

Roland, après avoir obtenu son " diplôme commercial " entreprend son cours d'École Normale à l'Université Laval de Québec. Une fois ce cours terminé, il enseignera successivement à Grande-Vallée, à Québec, à Victoriaville et à Sayabec. Nous sommes rendus en 1929.On lui offre un poste de professeur de mathématiques et d'anglais à l'école d'agronomie d'Oka. Il accepte et s'inscrit comme stagiaire en mathématiques à l'Université de Montréal. Alors les vies, de part et d'autre, s'organisent et, le 21 août 1930, Marie-Ange et Roland " convolent enfin en justes noces " pour venir s'installer définitivement à Oka!

La vie de Madame Fournier commence! Enfin, à temps complet avec l'homme qu'elle aime, dans ce village renommé, entre lac et montagne, attirant les chics touristes, elle évoluera avec son jeune mari dans ce milieu de professeurs instruits et intéressants.

Le "Château Éthier", maison nouvellement acquise est un rêve. Il ne manque que la mer! Mais chaque été ou presque, le mal du pays les poussera tous deux vers leur village natal.

Avec la venue de Ghislaine, la famille commence. Et chaque année... ou presque, Mireille, Guy, Jacques, Clarisse, Francine, Yvane, tour à tour naîtront. Beaucoup plus tard, nos parents accepteront de prendre sous leur tutelle Gaby Fontaine, devenue en peu de temps orpheline de mère et de père, et pour qui on conservera une affection spéciale.

Donc, Madame Fournier aborde cette nouvelle carrière d'épouse, de mère et d'éducatrice, avec la ferveur qu'elle met à toute chose. Avec sept enfants, elle se voit encore institutrice et nous serons constamment poussés à donner " le maximum "! Pour nos parents, c'est une question d'honneur! Pour nous, une question de survie...! Mais oui, maman, c'est récent... mais on a fini par oublier la mémorable " journée des bulletins "!!! Quelle force de caractère il fallait pour satisfaire aux exigences d'autorité, d'intégrité et d'excellence de ce temps-là! Nos parents compétents, confiants et tenaces l'ont eue.

Au cours de l'année 1936, notre père obtint son baccalauréat en agronomie, en passant les examens de l'Institut agricole d'Oka. En 1941, le " Château " se révélant trop étroit pour dix personnes, notre chère tante Gertrude étant venue seconder notre mère pour quelques années, notre père décide de construire " l'Abri-Vent ". C'est une maison blanche, spacieuse, sise au pied de la forêt de pins plantée par les Sulpiciens il y a quelque cent ans, au 122 rue de l'Annonciation. Mais maman, Ghislaine et moi, les deux aînées, garderons toujours la nostalgie de ce petit " Château " à deux étages, entouré d'érables centenaires et sis sur la rue Notre-Dame, en plein coeur du village.

Le " Château " se révélant trop étroit, notre père décide de construire " l'Abri-Vent "

Comment décrire maman pendant toutes ces années? Je revois une femme à la taille fine, distinguée, toujours élégante, ce qui faisait dire à papa, en revenant d'une soirée : " C'est encore toi qui étais la plus belle! " Une femme toujours amoureuse de son mari! Une femme très pieuse : tous les matins, beau temps, mauvais temps, maman marchait allègrement son kilomètre, assistait à la messe, revenait à la maison et s'assoyait gaiement à table prendre un bon gros déjeuner bien mérité, tout en nous ayant préparés, les sept, pour le départ vers l'école. Nous avons toujours eu le prix d'assiduité! C'est maman qu'on aurait dû décorer!

Un de ses talents, qui ressort aujourd'hui et dont on a profité pendant toute notre jeunesse, c'est celui de raconteuse. Au temps de l'enfance de maman, il n'y avait pas de route dans Gaspé Nord. Le salut venait de la mer. Tout arrivait par bateau, du printemps à l'automne, et quand, à la mi-novembre, la sirène du dernier bateau laissait dans son sillage son dernier cri, les quelque 250 habitants de cette petite anse isolée demeuraient seuls, n'ayant que leur propres ressources pour passer le mieux possible au travers de ces longs mois d'hiver. Cela créait aussi des conteurs qui ne devaient faire appel qu'à eux-mêmes pour se divertir et s'amuser. Maman fait partie de ces derniers. Encore aujourd'hui, elle nous tient sur le pas de la porte pour nous raconter une histoire..." inédite ". Ses gendres raffolent de ses petites anecdotes et en redemandent, mais vous ne verrez jamais maman... " tarie "!

Pendant ses années d'épouse, elle parcourt le Québec avec le groupe des agronomes. Et sur l'Homéric, en mai 1958, elle part pour deux mois de rêve, en Europe avec papa. Ils se promettent d'y retourner. Jamais malade, maman est gaie, elle prie et chante du matin au soir jusqu'au...24 octobre 1961, date où notre père meurt d'une rupture du myocarde. Nous sombrons tous dans une peine sans nom! Le village entier est en deuil : on ne lui connaît pas d'ennemi! Comment maman va-t-elle survivre à cette moitié d'elle-même que la mort lui a arrachée? Trop petite, comme elle dit, pour porter cette peine immense toute seule, elle en refile le plus gros au bon Dieu et avec ses petits-enfants (elle en aura douze), elle continue bravement à prier et à chanter, même si c'est sur un ton plus bas.

Un cheminement intérieur se fait et trois ans plus tard, elle nous annonce qu'elle va entrer, comme religieuse, dans la communauté semi-cloîtrée des Petites Filles de Saint-Joseph. Même sa plus grande amie, madame Létourneau, notre adorée tante Noëlla, n'avait rien deviné. C'est la stupéfaction pour nous aussi, mais maman ne faisant rien à la légère, ayant toujours écouté fidèlement sa " voix intérieure " malgré d'incompréhensibles et pénibles desseins, s'incline et prend consciemment sa décision. Le 11 février 1964, elle devient, en présence de ses enfants aux émotions mêlées, soeur Marie-Ange de la Trinité.

On ne saura jamais ce qu'il lui en aura coûté de laisser ses enfants et ses petits-enfants, ses amis, ses villages d'Oka et de Grande-Vallée, et sa vie facile. C'est son secret!

Aujourd'hui, Soeur Marie-Ange Fournier a 86 ans. Si vous allez à la maison mère des Petites Filles de Saint-Joseph, à Pierrefonds vous verrez venir au-devant de vous une petite soeur impeccable dans sa robe blanche et son voile léger, un grand sourire aux lèvres, une malice au coin de l'oeil. Elle occupe le poste de réceptionniste depuis plusieurs années. Lucide, alerte, elle compose et raconte le plus souvent possible, elle prie et chante du matin au soir. Au milieu de ses soeurs qu'elle aime, elle est heureuse! L'histoire de vie de notre mère est un longue histoire d'amour.

Note�: Suite de cette "histoire d'amour", dans la biographie de Soeur Fournier, qui suit.


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